Le choix de Varsovie était mauvais dès le départ et personne ne l'ignorait. Plus mauvais élève de l'Europe en matière environnementale et singulièrement climatique, championne de la défense du gaz de schiste, accro aux gaz à effet de serre, terre fertile de climatosceptiques et j'en passe... Mais imaginer que le cynisme du pays hôte irait jusqu'à organiser un sommet du "charbon propre" en même temps que la conférence sur le climat était en dehors de l'épure. Ils l'ont pourtant fait alors même que le "charbon propre" n'existe pas à ce jour et que l'amélioration des émissions nécessiterait des investissements colossaux, à comparer avec l'accès direct aux énergies renouvelables. Dernier affront en date, le déjà très improbable ministre de l'environnement (ancien secrétaire d'état à la promotion de l'industrie du charbon) est débarqué du gouvernement et se retrouve catapulté à un poste qui n'existe pas sur le climat. Reste à savoir si il peut continuer à siéger à la présidence de la COP19! De toutes façons, il n'y a virtuellement plus de présidence, car s'il reste président, il est privé de toute légitimité. Son remplaçant commence lui son mandat en mettant une priorité sur l'exploitation des gaz de schiste en plein sommet climat. C'est une honte qui s'étend à toute l'Europe!
Ce comportement polonais traduit le manque de cohérence des Etats de l'Union et la faiblesse des positions les plus récentes du Parlement européen et du Conseil sur les objectifs et surtout les mesures concrètes (ETS, Aviation, émissions des véhicules), et cela nuit à notre crédibilité. Sans doute, la Commissaire Hedegaard a-t-elle pu annoncer aujourd'hui que 20% du budget européen pour 2014-2020 serait consacré à la croissance décarbonnée. 1,7Md iront aux pays en développement en 2014 et 2015. 35 % des 63Mds consacrés à la recherche développement iront au climat. Un nouvel instrument financier ira aux infrastructures de transport compatibles avec la réduction des gaz à effet de serre et 5 Mds aux infrastructures énergétiques réseaux intelligents.
Il est temps mais il n'est pas sûr que cela suffise à redonner un leadership à l'Europe qui l'a manifestement perdu sur le plan industriel comme sur le plan politique. En effet à force de croire que les Européens sont les seuls à agir et d'écouter les lobbys énergéticiens et les électro intensifs demander de faire une pause dans la lutte contre le changement climatique, et attendre que la Chine ou les USA avancent, le résultat est sur la table ; un think thank allemand, German Watch, a mesuré les émissions des pays développés et en développement (si tant est que cela est une signification pour la Chine ou le Brésil) y compris les crédits et débits liés à la forêt, par rapport à 1990. Les pays ont été classés en 4 catégories en fonction de leurs propres contraintes pour atteindre le maximum de 2 degrés global. 2 pays atteignent 100% de réduction : les Maldives et Costa Rica. Mais sont dans le vert, c'est-à-dire dans les marges permettant d'atteindre l'objectif, le Mexique et la Corée du sud. Sont dans le vert clair, le Brésil (avec 30% de réduction) le Chili (avec 20%)) l'Indonésie (avec 30%) et Israël (avec 30%) la Papouasie Nouvelle Guinée (avec 20%). Dans les pays industrialisés, seuls la Norvège, l'Islande et la Suisse sont dans le vert clair. Le Japon y était mais vient de renoncer à ses objectifs. Tous les autres sont dans le rouge y compris l'Europe des 27 qui tangenterait le vert clair si elle adoptait 30% de réduction en 2020.
Il ressort de ces comparaisons que la Chine fait mieux que le Canada et les Etats Unis et pourrait faire mieux que l'Europe si elle adoptait des objectifs plus ambitieux, qui sont en discussion.
Quoiqu'il en soit, il résulte de ce qui précède que nous vivons sur des idées fausses. Non seulement nous ne faisons pas le mieux au monde mais en plus nous sommes en passe de perdre la bataille industrielle et économique. Notre compétitivité passe évidemment par la baisse drastique de nos importations énergétiques que sont les hydrocarbures et l'uranium. Notre présence industrielle dans le monde passe par ces technologies sur les nouveaux marchés énergétiques. La Chine représente aujourd'hui 40% des installations éoliennes nouvelles. Et si les entreprises européennes (allemandes, danoises et espagnoles) fournissent grâce à une haute qualité des pièces -essentielles-, nous ne maintiendrons et développerons cette excellence qu'en nous fixant des objectifs européens très élevés, d'au moins 50% de réduction en 2030, assortis de nouveaux objectifs sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique.
Le leadership économique rejoint le leadership politique. A l'heure où notre pays fonde de grandes ambitions sur la Conférence Climat de Paris de 2015, censée aboutir à un nouvel accord international, il serait indispensable d'en prendre conscience.