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Politique sécuritaire et Etat de droit

jeudi 29 mars 2012, par Paul Emique

Quand on écoute les réflexions sur ce sujet hautement sensible on est étonné par la confusion qui existe entre les deux concepts. Une politique sécuritaire n’est pas équivalente à l’impératif qu’il y a à faire respecter un état de droit.

Une simple analyse en terme de coût permet de mieux comprendre la problématique. Partant du fait que tout homme est mortel, la question de la sécurité se pose en termes d’espérance de vie et de qualité de vie. On peut facilement calculer la probabilité de survenue à un instant t (par exemple sur la durée d’une journée) d’un évènement altérant la qualité de vie comme ayant une probabilité p. On en déduit facilement la probabilité de non survenue d’un évènement indésirable ou encore de vie en sécurité comme valant 1-p (dans tous les cas inférieure à p).

si l’on considère que la survenue d’un évènement indésirable est indépendante de la survenue d’un autre évènement on peut facilement calculer que la probabilité varie comme (1-p) ^t.

à titre d’exemple, si la probabilité de survenue d’un évènement indésirable est de 5% (p=0,05) la probabilité de non survenue est de 95%. Au bout de 5 jours la probabilité de non survenue est égale à 0,95^5 soit 0,77. De façon synthétique, plus le temps passe plus la probabilité d’être confronté à un évènement indésirable est importante. Une probabilité de 5% par jour donne une probabilité de 23% au bout de 5 jours !

Il faut alors prendre en compte le cout de la contrainte en rapport avec la réduction du risque. En effet, l’augmentation de la sécurité ne fait que réduire le risque de survenue d’un évènement indésirable à un instant donné.

A titre d’exemple si l’on s’intéresse à une probabilité quotidienne rapportée à une espérance de vie de 80 ans (29 200 jours) et que l’on considère (comme beaucoup) qu’il est préférable de mourir d’un accident que d’une longue et douloureuse maladie. C’est à dire que la probabilité de non accident soit inférieure à 5% à l’âge de 80 ans il faut que la probabilité quotidienne de non accident soit de l’ordre de 0,9999 soit 1 pour 10000 !

A titre d’exemple, en ce qui concerne la sécurité routière, nous avons actuellement plus de 20 millions de véhicules en circulation. avec 4000 morts sur la route par an (10 par jour) , la probabilité de mourir sur la route par jour et par véhicule est de 0,0000005. Si l’on prend les données précédentes, une probabilité significative de mourir sur la route pour une personne donnée survient au bout de 6 millions de jours (soit 16438 ans).

A un moment on comprend que la politique visant à ramener le risque à zéro (ou au delà d’un certain niveau de risque) n’a plus de sens.

Il faut alors évaluer le cout de la sécurité en terme de contrainte et d’atteinte à la liberté de vie et d’être. En effet, l’accroissement de la contrainte peut être évalué par l’apparition de morbidité (suicide, pahologie psychiatrique, dépression, etc ....). A titre d’exemple on peut s’intéresser à la prévalence de la dépression. Si l’on considère que celle-ci est de l’ordre de 5% (elle concerne donc approximativement 3 millions de personne). De façon assez grossière on peut évaluer que le risque de dépression serait de l’ordre de 0,0001 par jour (1 pour dix mille).

Au niveau sociétal et de la gestion de l’état, une politique rationnelle consisterait à mettre en perspective les couts économiques en rapport avec la morbidité induite par l’excès de sécurité (qui est par essence inhibiteur) et les couts en rapport avec la survenue de l’évènement indésirable. Ceci devant permettre de fixer de façon rationnelle la limite de la contrainte que l’on peut imposer par rapport à un risque donné.

Ceci devrait amener à moduler selon la typologie du risque les contraintes que l’on peut imposer. Pour être synthétique, est il rationnel de mettre en place des quantités de radars sur la route et de laisser en service certaines centrales nucléaires ? ou encore laisser faire des épandages de susbtances toxiques, etc .....

En conclusion, une politique "sécuritaire" va à l’encontre de la sécurité des individus dans un état de droit.

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