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Tribune de Corine Lepage dans le Monde : « Notre écologie doit être celle du consensus et non celle de l’exclusion »

jeudi 20 août 2020, par CAP21 Aquitaine

A l’heure où l’étendue et la gravité de la crise écologique ne sont plus niées par personne mais où malheureusement la politique des petits pas fait florès, les écologistes ont collectivement, quelle que soit leur sensibilité initiale, une responsabilité commune : celle de convaincre nos concitoyens de l’urgence, de la possibilité et de l’intérêt d’une transition réelle de l’économie de la société.

Le « greenwashing », qui a fait la fortune d’un certain nombre de sociétés de conseil au bénéfice de grandes entreprises multinationales et internationales, est désormais l’apanage des gouvernements et plus particulièrement du nôtre. Des mesures, certes utiles mais très modestes, déconnectées les unes des autres, permettant le maintien de politiques incohérentes avec l’objectif affiché, sont annoncées et donnent l’impression à nos concitoyens que la « révolution verte » est en marche. Mais il n’en est rien : les grandes mesures structurelles et structurantes ne sont toujours pas prises et il manque une cohérence d’ensemble.

Ce n’est pas en focalisant le regard et l’ouïe du citoyen sur un sujet mineur comme la suppression des terrasses chauffées, ou en faisant passer tous les écologistes pour des décroissants, théoriciens ou sectaires que les concitoyens seront pleinement convaincus de la volonté de relance « verte » du gouvernement. Certains peuvent certes se laisser tromper par cette vieille technique de communication politique mais, si les écologistes prennent pleinement leurs responsabilités, la stratégie trompeuse de la majorité fera pschitt.

La responsabilité des écologistes face à cette offensive est double :

D’une part, et c’est bien le minimum, il faut éviter d’alimenter la pompe à rumeurs et à décrédibilisation. Malheureusement, depuis quelques jours, les maladresses et absurdités se succèdent les unes aux autres, même si certaines ont été commises en réponse à des provocations ou des actions perçues comme telles. Qu’il s’agisse de la forme inacceptable des propos des élues Vertes de Paris – même si le fond est juste et qu’il ne peut être question de défendre la moindre faiblesse à l’égard du viol sous quelque forme que ce soit ni la moindre complaisance à l’égard de ceux qui ferment les yeux – qui ont décrédibilisé les causes écologiste et féministe et renforcé l’idée d’un manque de loyauté.

Ou encore des propos de maires Verts nouvellement élus, en particulier dans des comparaisons pour le moins malencontreuses entre notre police nationale et la police de Vichy, qui renforcent l’idée d’un extrémisme Vert rendant impossible l’idée d’une majorité écologiste capable de gouverner. La politique est un univers sans scrupules et violent, rien ne sera pardonné à des responsables écologistes, ils doivent plus que d’autres jeunes élus faire leurs preuves. Et le problème est que leur comportement pèse sur toute la famille écologiste.

D’autre part, il faut convaincre, convaincre et encore convaincre. Il ne faut pas oublier, même si le succès des écologistes aux municipales est indéniable, que la France est très majoritairement à droite et au centre. Dans une étude récente, en autodéclaration, seuls 14 % des Français se déclaraient à gauche. Il faut donc convaincre l’immense majorité de nos concitoyens, non seulement de la nécessité de la transition écologique économique et sociale mais aussi et surtout de la capacité de la réaliser et de la possibilité de vivre mieux. La pandémie, malheureusement loin d’être finie, a conduit à prendre conscience de la fragilité de la vie, de la nécessité des relations aux autres et à la nature et de l’impact de l’humanité sur le vivant.

Par ailleurs, l’Europe vient de dégager des milliards d’euros pour aller dans le sens de la transition écologique, laquelle intègre bien sûr la rénovation thermique des bâtiments (il y a 7 millions de passoires thermiques et non pas 250 000 logements visés par le projet de Mme Pompili, ministre de la transition écologique) mais bien d’autres domaines, en particulier celui des énergies renouvelables, de l’économie circulaire, de l’agroécologie, de l’abandon progressif des véhicules thermiques, d’une effective loi contre la pollution de l’air alors même que les particules fines sont de plus en plus incriminées dans la diffusion du Covid-19.

Nous avons une chance unique et historique de profiter de ces moyens pour investir. Il n’y en aura pas deux. A nous, écologistes pragmatiques réalistes, comme ont su l’être les Verts allemands, de soutenir, mettre en œuvre, proposer toutes ces transformations qui vont dans le sens de l’économie, du bien-être et de la protection des ressources. A nous également de plaider en faveur des réformes structurelles et structurantes, à savoir :

Le développement massif des énergies renouvelables, pour permettre la massification de l’autoconsommation collective et individuelle.

Le passage à une comptabilité rationnelle, qui intègre l’impact en positif et négatif sur l’environnement et la société de l’économie. Le projet était celui de Nicolas Sarkozy, en 2007, avec le rapport Stiglitz mais tout cela est resté dans les limbes.

Une remise à plat de la fiscalité, non pas pour l’augmenter mais pour la rendre plus juste et surtout pour intégrer les économies et « déséconomies » externes. La taxe carbone en est un exemple mais naturellement pas le seul et le sujet est à traiter tant au niveau communautaire qu’au niveau national.

Nous, écologistes pragmatiques, convaincus, non dogmatiques, devons porter ce message d’une écologie qui n’est pas un cache-misère mais qui n’est pas davantage l’expression extrême d’un dogmatisme qui décourage, caricature et exclut. Nous pouvons y parvenir en réunissant, sur la base de la dynamique lancée voici plusieurs mois, tous les écologistes, quelle que soit leur appartenance initiale qui se retrouvent dans une « écolonomie », une écologie sociale et républicaine, une écologie du possible et de l’efficacité.

Cet objectif peut rassembler, bien au-delà de ceux qui revendiquent une étiquette écologiste, nos concitoyens et, en particulier, ceux qui sont engagés dans les mouvements associatifs et qui défendent, jour après jour, la santé, les ressources, les espèces vivantes, les espaces protégés ou non, la décentralisation énergétique, l’agroécologie, le biomimétisme, le partage, la sobriété. Notre écologie doit être celle du consensus, du partage, du faire ensemble et non celle de l’exclusion, de l’anathème et de l’impossible. Cette voie est difficile à tracer mais c’est en réalité la seule qui puisse permettre la transition de la société dans son ensemble.

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